27/10/2023

Nul signe distinctif donc point de décoration sur le costume professionnel !

                                                                                     Ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus

 
« L’avocat ne porte aucun signe distinctif avec sa robe ».
 
Le texte est clair et insusceptible d’interprétation : il vise TOUT signe distinctif … sans distinction, et donc, naturellement, les décorations.

Certains prétendent que les décorations ne seraient point concernées car le RIN ne serait pas en mesure d’en réglementer le port, lequel relèverait du Code de la Légion d'honneur, de la Médaille militaire et de l'ordre national du Mérite.
 
Il n’y a rien de plus faux ! 
 
On notera, non sans ironie, que les thuriféraires du port des décorations après avoir initialement, vainement, prétendu que ledit code leur en imposait le port, se contentent désormais d’affirmer qu’il en protégerait le port. Gageons qu’ils finiront par reconnaitre que ce port des décorations sur un costume professionnel est parfaitement inopportun …
 
En effet, ledit code se contente simplement, par des dispositions de nature règlementaire, de réglementer le port des décorations sans en faire un droit, et encore moins une liberté fondamentale,  et ne fait nullement obstacle à ce que d’autres dispositions, de nature règlementaire, ne viennent l'interdire.
 
Specialia generalibus derogant ...
 
Surtout, la Cour de cassation a reconnu la pleine compétence des règlements intérieurs sur cette question sans qu'il n'y ait lieu de distinguer suivant la nature des signes distinctifs :
 
« 11. L'article 3 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que les avocats sont des auxiliaires de justice, prêtent serment en ces termes : « Je jure comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité » et revêtent, dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession.
 
12. Selon l'article 17, le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession, sans préjudice des attributions dévolues au Conseil national des barreaux (CNB).
 
13. Selon l'article 21-1, le CNB unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession.
 
14. En l'absence de disposition législative spécifique et à défaut de disposition réglementaire édictée par le CNB, il entre dans les attributions d'un conseil de l'ordre de réglementer le port et l'usage du costume de sa profession.
 
15. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que les modalités du port et de l'usage du costume intéressaient l'exercice de la profession d'avocat et que le conseil de l'ordre avait le pouvoir de modifier son règlement intérieur sur ce point. » (Cour de cassation, Chambre civile 1, 2 mars 2022, n°20-20.185 - v. aussi : D. Piau, « Costume professionnel et principe d’égalité : nulle distinction ne saurait être admise », Gazette du Palais - 12 Avril 2022 - n°12, p. 21).
 
En outre, s’agissant, plus spécifiquement, du port des décorations (v. D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°313.45 et s.), la Cour de cassation n'a jamais validé ce port au regard du principe d'égalité. Elle avait alors considéré que :
 
« (…) le grief tiré d'une rupture d'égalité entre les justiciables n'a pas été invoqué devant la cour d'appel ; que le moyen, irrecevable en sa troisième branche qui est nouvelle et mélangée de fait, n'est pas fondé pour le surplus ; (…) » (Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 octobre 2018, 17-26.166).
 
Et, la cour d’appel de Douai a, elle, très clairement validé une l’interdiction de ce même port de décorations en considérant que :
 
« L’article 3 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, s’il précise que les avocats revêtent dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession, ne décrit pas ce costume.
 
Seul l’arrêté des consuls de la République du 2 Nivôse an II en fait une description en précisant que “aux audiences de tous les tribunaux, les gens de loi et les avoués porteront la toge de laine, fermée sur le devant, à manches larges ; toque noire, cravate pareille à celle des juges ; cheveux longs ou ronds”, ce port de cheveux n’étant manifestement plus d’usage.
 
L’article 3 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 sus-visée précise également que les avocats sont des auxiliaires de justice et en assurant la défense des justiciables, ils concourent au service public de la justice.
 
A ce titre, la volonté d’un barreau, représenté par son conseil de l’ordre, de faire obligation à ses membres, lorsqu’ils se présentent devant une juridiction, pour assister ou représenter un justiciable, de revêtir un costume uniforme, concourt à assurer l’égalité des avocats et à travers celle-ci l’égalité des justiciables, qui est un élément constitutif au droit au procès équitable, les dispositions du code de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire et de l’ordre national du Mérite, notamment en ses articles R 66, R 69 et R 193 relatifs au port des insignes de ces trois distinctions ne prévoyant d’obligation du port que sur le costume officiel (grande tenue) ou sur l’uniforme militaire (grande tenue), ce que n’est pas la robe noire d’avocat.
 
L’objectif recherché est bien légitime et l’exigence proportionnée, cette interdiction ne valant que lors des missions de représentation ou d’assistance d’un justiciable devant une juridiction, le conseil de l’ordre du barreau de Lille ayant édicté l’interdiction du port de décoration, non point juste après l’énoncé de ce que l’avocat portait la robe professionnelle dans ses activités judiciaires et à l’occasion des manifestations officielles, mais après avoir énoncé la manière dont l’avocat devait s’adresser aux juges. » (Douai 9 juill. 2020, n°19/05808 - v. aussi : D. Piau, « Costume professionnel et principe d’égalité : nulle distinction ne saurait être admise », Gazette du Palais - 12 Avril 2022 - n°12, p. 21).
 
Au demeurant, toute autre interprétation serait de nature à mettre en cause la légalité même des dispositions de l’article 1.3. du RIN en venant créer une discrimination entre les « signes distinctifs » (v. not. en ce sens : S. Hennette-Vauchez, « Liberté religieuse, discrimination et intersectionnalité (à l’envers). A propos du voile de l’avocate », D. 2023. 1183).    
 
Pas plus que l’on n’a jamais vu de militaire en treillis combattre en portant ses décorations, on conçoit mal, à quel titre et de quel droit, les avocats, défenseurs des libertés, monteraient au front dans les salles d’audience avec ces mêmes décorations.

11/03/2023

Des conséquences en cas de litige de l’absence de personnalité morale des associations d’avocats / Aarpi

Un arrêt rendu par la première chambre civile le 8 mars 2023 (Civ. 1ère, 8 mars 2023, n° 20-16.475, P), destiné à être publié au bulletin, est venu tirer les conséquences de l’absence de personnalité morale des associations d’avocats et Aarpi dans le cadre d’un litige entre un avocat salarié et une Aarpi, ainsi que les associés de cette dernière.
 
 
* L’association, créée par le décret du 10 avril 1954, est la première forme de groupement autorisée aux avocats pour l’exercice en commun de leur profession (v. D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°023.97).
 
Elle est spécifique aux avocats et demeure inconnue des autres professions libérales réglementées.
 
Sa constitution et son fonctionnement reposent sur une convention. Sa caractéristique essentielle est d’être une société de fait, non dotée de la personnalité morale et soumise au régime des sociétés en participation (v. D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°811.61 et s.).
 
L’association / Aarpi, qui fonctionne en fait comme une indivision conventionnelle, est régie par :
 
- les articles 124 à 128-2 du décret du 27 novembre 1991 (Décr. n°91-1197, 27 nov. 1991, art. 124 et s.) ; 
 
Elle ne doit pas être confondue avec l'association régie par la loi du 1er juillet 1901 à laquelle elle n'emprunte que le nom. 

 
* En l’occurrence, une SCP et une SAS d’avocats s’étaient associées, à compter de 2011, au sein d’une AARPI dans le cadre d’un rapprochement entre cabinets d’avocats.
 
En 2016, le contrat de travail d’un avocat salarié, depuis 1996, de la SELAS a été transféré à l’AARPI.
 
Mais l’association tourne court, et en 2017, après 6 ans de mariage, la SELAS est exclue de l’AARPI.
 
L’AARPI propose alors à l’avocat salarié (surprise ...) de rester à temps partiel chez elle, tout en travaillant à temps partiel pour la SELAS exclue …. Ce à quoi cette dernière s'était (sans surprise) opposée …
 
C’est alors que :
 
- le 7 février 2018, après avoir refusé cette modification de son contrat de travail, l'avocat salarié a saisi son bâtonnier d'une demande de conciliation dirigée contre l'AARPI ;
 
- le 2 mars 2018, l’avocats salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail ;
 
- le 9 mai 2018, l’avocat salarié a alors saisi le bâtonnier d’une demande en requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de paiement d'indemnités, demandes dirigées contre l'AARPI ;
 
- le 22 octobre 2018, l’avocat salarié met en cause dans la procédure et conclut à l’encontre de la SELAS ;
 
- le 12 mars 2019, l’avocat salarié sollicite une condamnation solidaire de l'AARPI, de la SELAS ainsi que, pour la première fois, de la SCP.
 
La cour d’appel de Poitiers avait condamné solidairement l’AARPI ainsi que ses associés, la SCP et la SELAS, à payer certaines sommes à l’avocat salarié et ce, au motif que l’AARPI disposerait de la personnalité civile (sic…).

Cela vaut à l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers une double cassation :
 
 
1/ S‘agissant de la condamnation de l’AARPI, celle-ci se heurtait au fait que les associations d’avocat, dont font parties les AARPI, n’ont pas la personnalité morale, comme le rappelle expressément l’article 1871 du code civil, par renvoi de l’article 124 du décret du 27 novembre 1991 (Décr.n°91-1197, 27 nov. 1991, art. 124).
 
La cassation était, sur ce point, inévitable :
 
« Vu les articles 32 du code de procédure civile, 1871 à 1873 du code civil et 124 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 :
 
9. Selon le premier de ces textes, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
 
10. Il résulte des suivants qu'une AARPI est une société créée de fait qui est soumise au régime des sociétés en participation et qui n'a pas la personnalité morale.
 
11. Pour déclarer recevable l'action de la salariée à l'encontre de l'AARPI, l'arrêt retient que, si celle-ci constitue une société de fait, n'est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés et ne dispose pas de la personnalité morale, elle peut avoir un avocat pour salarié ou collaborateur et postuler en justice par le ministère d'un avocat, que le contrat de l'avocate salariée lui a été transféré le 1er janvier 2016, qu'elle lui a fixé sa mission, a établi ses fiches de paie et est immatriculée auprès de l'URSSAF, qu'elle a la personnalité civile qui lui permet d'ester en justice et de défendre à l'action de l'avocate salariée et qu'une condamnation serait exécutable à son encontre puisqu'elle est titulaire d'un compte bancaire et d'avoirs.
 
12. En statuant ainsi, alors que, l'AARPI n'étant pas une personne morale, aucune demande ne pouvait être dirigée contre elle, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » (Civ. 1ère, 8 mars 2023, n° 20-16.475, P – déjà en ce sens : Paris, pôle 6, ch. 4, 5 déc. 2017, RG n°14/07921).
 
L’absence de personnalité morale de l’Aarpi a pour conséquence qu’AUCUNE demande ne peut être dirigée à son encontre, et qu’elle ne peut, elle-même, formuler AUCUNE demande, seuls les associés de l’Aarpi peuvent ainsi être partie à un litige.
 
 
2/ La cour d’appel avait, en outre, considéré que l’action n’était pas prescrite à l’encontre de la SCP au motif que cette dernière était : « co-employeur solidaire avec la SELAS » et que : « la notification à la SELAS, le 22 octobre 2018, des conclusions de l'avocat salarié, dans le délai de la prescription, l'a interrompue à l'égard de la SCP ».
 
Et ce, en application de l’article 2245 du code civil qui prévoit que :
 
« L'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d'exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers. »
 
En effet, il convient de rappeler, à cet égard, que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture (C. trav., art. L. 1471-1), et qu’en l’occurrence la SCP n’avait été personnellement mise en cause dans la procédure que postérieurement à l’expiration du délai de prescription, lequel avait commencé à courir à compter de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par l’avocat salarié.
 
C’était toutefois oublier que la solidarité n’est présumée que si la société est commerciale en application de l’article 1872-1 du code civil ...
 
Un oubli fâcheux, qui faisait que la cassation était, sur ce point, tout aussi inévitable, au motif que :
 
« Vu les articles 2245 et 1872-1, alinéas 1 et 2, du code civil :
 
14. Selon le premier de ces textes, l'interpellation faite à l'un des débiteurs solidaires par une demande en justice interrompt le délai de prescription contre tous les autres.
 
15. Aux termes du second, chaque associé d'une société en participation contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers. Toutefois, si les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers, chacun d'eux est tenu à l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres, avec solidarité, si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas.
 
16. Il en résulte que, si un contrat de travail conclu avec une AARPI confère à ses associés la qualité de co-employeurs en vertu des dispositions légales régissant les sociétés en participation, aucune solidarité n'existe entre associés.
 
17. Pour déclarer recevable l'action de l'avocate salariée à l'encontre de la société [H], l'arrêt retient que celle-ci est co-employeur solidaire avec la société [Y] et que la notification à elle, le 22 octobre 2018, des conclusions de l'avocate salariée, dans le délai de la prescription, l'a interrompue à l'égard de la société [H], de sorte que les demandes de l'avocate salariée à son encontre ne sont pas prescrites.
 
18. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de solidarité entre les deux co-employeurs, l'interruption de la prescription de l'action à l'égard de l'un demeurait sans effet à l'endroit de l'autre, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » (Civ. 1ère, 8 mars 2023, n° 20-16.475, P).
 
Il convient donc d’être prudent lorsque l'on est en présence d'un litige avec une association / Aarpi : il convient, dès le début du litige de mettre en cause TOUS les associés de l’association / Aarpi.
 
Il convient, en outre, de bien vérifier qu’il n’y a pas lieu, le cas échéant, de mettre en cause d’ancien associés de l’association / Aarpi qui peuvent demeurer tenus aux dettes liées à des engagements pris au moment où ils étaient associés. Le régime de l’indivision peut, sur ce point, réserver des surprises …
 
Cette double cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers est toutefois limitée quant à sa portée par la Cour de cassation : elle ne remet pas en cause le principe des condamnations à raison du licenciement, mais elle réduit le nombre de débiteurs de ces mêmes condamnations : seule la SCP demeurant condamnée, les demandes formées contre l'AARPI et la SELAS étant déclarées irrecevables.
 
Sans qu’il n’y ait lieu à renvoi.
 
 
* L’absence de personnalité morale de l’association doit conduire à la plus extrême des prudences en cas de conclusion de contrats, tels qu’emprunts bancaires, constitution de filiales, collaboration libérale  … qui requiert de passer par le truchement des associés : ce sont bien les associés qui sont  les employeurs d’un salarié et non l’association / Aarpi qui n’a pas la personnalité morale, faisant que les condamnations éventuelles devaient être prononcées solidairement à l’encontre des associés, contractuellement engagés vis-à-vis du salarié. Il en est de même s’agissant du contrat de collaboration libérale (v. D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°811.61 et s.).
 
Il demeure possible, et même recommandé en notre sens, de prévoir des clauses de solidarité dans de tels contrats, afin de prévoir expressément la solidarité entre les associés de l’association / Aarpi.
 
On rappellera que s’agissant des partnerships (v. D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°811.81 et s. et 913.33 et s.) constitués conformément aux lois et règlements en vigueur aux États-Unis d’Amérique, ceux-ci, à tous le moins les limited liability partnerships (LLP), voient leur personnalité morale reconnue en France en application de la convention franco-américaine d’établissement du 25 novembre 1959 (Conv. franco-américaine d’établissement du 25 nov. 1959, art. XIV, § 4 et 5), et peuvent donc faire l’objet d’une action dirigée à leur encontre, nonobstant le fait qu’ils ne possèdent pas la personnalité juridique (Civ. 1ère, 17 mars 2011, n°10-30.283, P).
 
En droit anglais, toutefois, le partnerships n’est pas reconnu comme une entité distincte de ses membres.
 
Il convient donc d’être prudent en la matière, d’autant que de nombreux cabinets anglo-saxons ne sont, en réalité, que des groupements d’exercice de droit français (association, SCP, sociétés) dotés d’une dénomination différente et exerçant sous l’enseigne du partnership, auquel cas c’est le groupement d’exercice de droit français qui doit être visé.

Prohibition du recours aux "taux horaires de références" pour valoriser les diligences en matière d’honoraires

Un arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 9 mars 2023 (Civ. 2ème, 9 mars 2023, n°21-15.821, P), destiné à être publié au bulletin, est venu poser le principe de la prohibition du recours aux "taux horaires de références" pour valoriser les diligences en matière d’honoraires.
 
Dans cette affaire, un avocat était intervenu, à la suite d’un autre avocat, en 2012, dans des dossiers relatifs à l’annulations de procès-verbaux d’assemblées générales de copropriété de 2007 et 2009.
 
Aucune convention d’honoraires écrite n’avait été conclue entre l’avocat et le client.
 
Le client, de toutes évidences, insatisfait, avait sollicité, en 2017, la restitution de ses honoraires.
 
 
* Une première ordonnance du premier président, rendue en 2018, avait été cassée sur la question de la prescription, en l’occurrence de cinq ans, faute pour le premier président, d’avoir précisé : « la date de la fin du mandat de l'avocat, qui constituait le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en restitution d'honoraires » ce qui n’avait pas mis : « la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle » (Civ. 2ème 12 déc. 2019, n°18-24.258, NP).
 
Cette question de la prescription était de retour devant la Cour de cassation car l’ordonnance du premier président avait indiqué que l’avocat aurait renoncé oralement à invoquer la prescription de la demande de son ancien client.
 
L’avocat contestait cette mention dans le cadre de son pourvoi.
 
Sur ce point, la Cour de cassation rejette le pourvoi dès lors que :  
 
« 6. Selon l'article 457 du code de procédure civile, le jugement a la force probante d'un acte authentique. Il en résulte que les mentions correspondant à des faits que le juge énonce comme ayant eu lieu en sa présence font foi jusqu'à inscription de faux.
 
7. En conséquence, les mentions de l'ordonnance, selon lesquelles l'avocat a oralement précisé qu'il renonçait à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en remboursement de Mme [Z], ne peuvent être critiquées que par la voie d'une inscription de faux. » (Civ. 2ème, 9 mars 2023, n°21-15.821, P).
 
En l’occurrence, l’on rappellera que l’inscription de faux à titre incident ne peut être formée que devant le tribunal judiciaire ou la cour d’appel, pas devant la Cour de cassation (art. 286 du code de procédure civile).
 
Dans un tel cas, il convient de saisir le tribunal judiciaire d’une inscription de faux à titre principal à l’encontre de l’ordonnance du premier président (articles 314 et s. du code de procédure civile), et il appartient à la Cour de cassation de … surseoir à statuer dans l’attente jugement sur le faux (art. 313 code de procédure civile).
 
On ne peut pas dire que la célérité soit le principe directeur en la matière …
 
 
* Mais c’est surtout sur le fond que la solution de l’arrêt commenté devient intéressante.
 
En l’occurrence, le premier président avait cru pouvoir évaluer les honoraires de l’avocat en appliquant aux diligences effectuées : « le taux horaire moyen de 200 euros pratiqué dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ».
 
C’est la pratique même des "taux horaires de références" par certains premiers présidents dans le cadre de la fixation des honoraires, qui était ainsi en cause.
 
La Cour de cassation avait déjà failli se prononcer sur cette question, dans le cadre d’un pourvoi à l’encontre, déjà, d’une ordonnance du premier président d’Aix-en-Provence, mais elle avait alors cassé l’ordonnance sur le terrain de l’absence de débat contradictoire dès lors que le premier président avait utilisé cette méthode sans que les parties n’en aient débattu, le cas échéant à son initiative, à l’audience, en considérant que :
 
« Vu l'article 7 du code de procédure civile :
 
5. Selon ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat.
 
6. Pour fixer les honoraires dûs à M. [H], l'ordonnance retient qu'à défaut pour ce dernier d'avoir notifié un taux de rémunération horaire à son client, il sera fait application du taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, l'affaire confiée par M. [G] ne présentant aucune difficulté particulière.
 
7. En statuant ainsi, alors qu'il énonçait que les parties avaient repris oralement à l'audience les termes de leurs écritures et qu'il ne résultait ni de ces écritures ni des pièces de la procédure que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est de 200 euros HT, le premier président, qui a fondé sa décision sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé le texte susvisé. » (Civ. 2ème 7 oct. 2022, n°20-19.723, P).
 
Cette fois-ci, aucune question procédurale n’était soumise à la sagacité de la Cour, et c’est donc sur le fond que la Cour de cassation casse (pour la deuxième fois …) une ordonnance du premier président d’Aix-en-Provence dans cette affaire, en considérant que :
 
« Vu l'article 10, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-690 du 6 août 2015 :
 
10. Aux termes de ce texte, à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
 
11. Pour fixer les honoraires dus à l'avocat à une certaine somme, l'ordonnance retient qu'il résulte de la procédure qu'il a effectué des diligences pouvant être évaluées à trois heures de travail et qu'à défaut pour l'avocat d'avoir fait connaître son taux horaire, il y a lieu d'appliquer le taux horaire moyen de 200 euros pratiqué dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
 
12. En statuant ainsi, le premier président, qui s'est référé à un critère pris du taux de rémunération moyen qui serait pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel, étranger à ceux énumérés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, a violé ce texte. » (Civ. 2ème, 9 mars 2023, n°21-15.821, P).

Pour la Cour de cassation, le « critère pris du taux de rémunération moyen qui serait pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel », est « étranger à ceux énumérés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 » ... (L. n°71-1130, 31 déc. 1971, art.10). Etranger, en ce sens qu’il ne permet pas de déterminer précisément la valorisation des diligences de l’avocat, objet du litige.

En clair : il faut valoriser les diligences de l'avocat (critère des diligences), mais en appliquant, le cas échéant, le taux horaire de ... l'avocat concerné, pas la moyenne de ceux du ressort de la cour.
 

* Le sens de la solution est on ne plus logique, et frappé du coin du bon sens, ne peut qu’être pleinement approuvé.
 
En effet, en l’absence de convention d’honoraires, il appartient au juge fixateur d’évaluer le montant des honoraires en application des critères légaux admis aux fins de détermination du montant des honoraires, à savoir : la situation de fortune du client, la difficulté de l’affaire, les frais généraux exposés, la notoriété de l’avocat et les diligences (v. D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°721.20 et s.).
 
Les diligences sont les critères le plus important, et déterminant, en la matière. Et dès lors qu’il constate l’existence de diligences effectuées par l’avocat pour le compte de son client, le juge de l’honoraire se doit de procéder à une évaluation de celles-ci afin d’en fixer le montant (Civ. 2ème, 13 déc. 2018, n°17-27.973, NP).
 
La Cour de cassation a néanmoins admis que le juge de l’honoraire pouvait refuser de prendre en compte les diligences « manifestement » inutiles de l’avocat (Civ. 2ème, 14 janv. 2016, n°14-10.787, P - Civ. 2ème, 8 oct. 2020, n°19-21.705, NP).
 
Et si, comme en l’occurrence, l’avocat ne fait connaître son taux horaire, il appartient alors au juge de l’honoraire d’en évaluer le montant, le cas échant, eu égard aux autres critères de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 (L. n°71-1130, 31 déc. 1971, art. 10) … d’autant qu’il convient de rappeler que la méthode du « taux horaire » n’est pas la plus pertinente qui soit (cf. « Honoraires de l’avocat : du défaut de transparence de la clause de taux horaire aux conséquences d’une clause abusive portant sur la rémunération »).

Du caractère facultatif de la conciliation préalable au règlement des litiges entre avocats

Deux arrêts rendus par la première chambre civile le 8 mars 2023 (Civ. 1ère, 8 mars 2023, n° 21-19.620, P) et (Civ. 1ère 8 mars 2023, n°22-10.679, P), destinés à être publiés au bulletin, sont venus poser le principe du caractère facultatif de la conciliation préalable devant le bâtonnier dans le cadre des procédures de règlement des litiges entre avocats.
 
 
1/ Dans la première affaire, un litige était né entre plusieurs associés à la suite de la dissolution d’une SCP relativement à la régularisation des comptes et la prise en charge de certains frais de la SCP.
 
Le 30 décembre 2019, l’un des associés saisissait le bâtonnier d’une demande d’arbitrage (sic).
 
Le 23 juillet 2020, le bâtonnier n’ayant pas rendu de décision dans les quatre mois de sa saisine, et l’associé demandeur avait alors ainsi directement la cour d’appel de ses demandes.
 
Le 4 octobre 2020, le bâtonnier rendait une décision, hors délai, écartant la fin de non-recevoir tirée de l'absence de tentative de conciliation préalable, et statuant au fond.  L’associé demandeur, débouté, avait également saisi la cour d’appel de cette décision.
 
Tirant argument de l’absence de saisine préalable aux fins de conciliation, la cour d’appel avait déclaré irrecevable la requête initiale aux fins d'arbitrage, en date du 30 décembre 2019.
 
Sur pourvoi de l’avocat, la Cour de cassation, casse l’arrêt de la cour d’appel.
 
Pour la Cour de cassation :
 
« Vu l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et les articles 142, 179-1 et 179-4 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :
 
6. Selon le premier de ces textes, le bâtonnier prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau ; tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits.
 
7. Selon le troisième, en cas de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l'une ou l'autre des parties.
 
8. Selon le deuxième, rendu applicable par le quatrième, l'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.
 
9. Si ces dispositions prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, elles n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir.
 
10. Pour déclarer irrecevable la requête aux fins d'arbitrage formée le 30 décembre 2019 par Mme [D] et annuler la décision du bâtonnier, l'arrêt retient que la conciliation s'est inscrite dans le cours de la procédure d'arbitrage, que la procédure de conciliation est un nécessaire préalable à l'engagement de l'action aux fins d'arbitrage auprès du bâtonnier et que la tentative de conciliation, mise en place par le bâtonnier postérieurement à sa saisine, ne saurait ni constituer la tentative de conciliation préalable exigée par les textes, ni pallier l'irrégularité qu'elle engendre, de sorte qu'est fondée la fin de non-recevoir soulevée par Mme [E].
 
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés » (Civ. 1ère, 8 mars 2023, n° 21-19.620, P).
 
 
2/ Dans la seconde affaire, un litige était né à la suite de la rupture d’un contrat de collaboration libérale.
 
Dans le cadre de cette rupture, une transaction avait été conclue entre le cabinet d’avocats et le collaborateur libéral, semble-t-il en dehors de toute conciliation devant le bâtonnier.
 
S’estimant lésé par cette transaction le collaborateur libéral avait saisi le bâtonnier en nullité de la transaction et en paiement d'une indemnité de préavis et d'une indemnité au titre d'un préjudice moral.
 
Dans sa décision, le bâtonnier avait rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de conciliation préalable, prononcé la nullité de la transaction, et condamné le cabinet d’avocats à payer certains sommes au collaborateur libéral
 
Sur appel du cabinet d’avocats, tirant argument de l’absence de saisine préalable aux fins de conciliation, la cour d’appel avait déclaré irrecevable la requête initiale aux fins d'arbitrage.
 
Sur pourvoi du collaborateur libéral, la Cour de cassation, casse l’arrêt de la cour d’appel.
 
Pour la Cour de cassation :
 
« Mais sur le moyen relevé d'office
 
5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
 
Vu les articles 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :
 
6. Selon le premier de ces textes, les litiges nés d'un contrat de travail ou d'un contrat de collaboration libérale sont, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier.
 
7. Selon le second, à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel l'avocat collaborateur ou salarié est inscrit est saisi par l'une ou l'autre des parties et l'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.
 
8. Si ces dispositions prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, elles n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir.
 
9. Pour déclarer irrecevable la requête aux fins d'arbitrage formée le 1er décembre 2020 par Mme [Y], l'arrêt retient que la procédure de conciliation pour les litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration entre avocats est un préalable obligatoire à l'engagement de toute action contentieuse auprès du bâtonnier et relève que Mme [Y], s'étant bornée à adresser, le 6 novembre 2020, à la société PVB avocats une mise en demeure d'avoir à lui régler les sommes dues au titre de son préavis, n'a présenté aucune demande de conciliation.
 
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » (Civ. 1ère 8 mars 2023, n°22-10.679, P).
 

* Par ces deux arrêts, la Cour de cassation affirme clairement le caractère purement facultatif de la conciliation préalable devant le bâtonnier tant s’agissant du règlement des litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail (Décr. n°91-1197, 27 nov. 1991, art. 142 et s.) (Civ. 1ère 8 mars 2023, n°22-10.679, P), que s’agissant du règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel (Décr. n°91-1197, 27 nov. 1991, art. 179-1 et s.) (Civ. 1ère, 8 mars 2023, n° 21-19.620, P).
 
L’on pourra longuement épiloguer sur la pertinence de la solution, force est de constater que l’article 7 de la loi du 31 décembre 1971 ne prévoit nullement que cette conciliation soit obligatoire (L. n°71-1130, 31 déc. 1971, art. 7).
 
En outre, si elle peut paraitre regrettable, en ce sens que la conciliation préalable est de nature à résoudre un grand nombre de difficultés et à permettre d’éviter de long et inutiles contentieux, il n’en demeure pas moins que la pratique actuelle qui se fondait sur un caractère prétendument obligatoire de cette même conciliation, avait également au moins deux inconvénients majeurs non réglés par les textes :
 
- elle ne prévoyait aucune issue lorsque le bâtonnier refusait d’organiser la conciliation ou faisait durer celle-ci au-delà du raisonnable ;
 
- elle conduisait, dans certains barreaux et non des moindres, à considérer qu’il n’était pas possible de former des demandes nouvelles ou reconventionnelles devant le bâtonnier sans les avoir soumises préalablement à la conciliation.
 
Dans un tel contexte, l’on ne peut qu’approuver pleinement la solution délivrée par la Cour de cassation.
 
L’on pourrait admettre que le législateur vienne prévoir un caractère obligatoire à la conciliation devant le bâtonnier, mais à condition de l’enfermer dans un délai strict, d’une part, et d’en exclure les demandes nouvelles, incidentes ou reconventionnelles, qui peuvent apparaitre en cours de litige ou au moment même de la conciliation, d’autre part.
 
 
* Dans l’immédiat, ces arrêts entrainent quelques conséquences qu’il convient d’avoir à l’esprit :
 
- en premier lieu, il convient de bien faire attention à l’objet des saisines adressées au bâtonnier : soit il s’agît d’une saisine aux fins de conciliation et le bâtonnier pourra mettre en œuvre une conciliation préalable, soit il s’agît d’une saisine aux fins de règlement du litige, improprement dit « d’arbitrage », et elle fera courir le délai, de quatre mois, imparti au bâtonnier pour statuer.
 
En l’absence d’indication expresse de l’objet de la saisine, il apparait prudent que le bâtonnier sollicite des précisions à cet égard.
 
A défaut, et compte tenu du fait que des demandes sont, généralement, formulées il y aura lieu, en principe, de considérer qu’il s’agit d’une saisine aux fins de règlement du litige.
 
- en second lieu, dès lors qu’une saisine du bâtonnier aux fins de règlement du litige a été effectuée, même dans l’hypothèse où celui-ci viendrait à organiser une conciliation, il doit statuer dans les quatre mois de sa saisine initiale, à peine de dessaisissement au profit de la cour d'appel (Décr. n°91-1197, 27 nov. 1991, art. 149 et 179-5).
 
A l’expiration de ce délai de quatre mois, ou de huit mois si une prorogation à été régulièrement ordonnée, l’avocat peut saisir directement la cour d’appel dans le mois qui suit cette expiration.
 
Toute décision du bâtonnier rendue au-delà du délai de quatre mois est nulle et non avenue.
 
Il convient donc d’être extrêmement vigilant dans le cadre de la rédaction comme de l’analyse des saisines du bâtonnier en matière, et de bien surveiller l’écoulement du délai imparti au bâtonnier pour statuer.
 
- en troisième lieu, dès lors que le bâtonnier est saisi aux fins de règlement du litige, il lui appartient de statuer, sur l’ensemble du litige qui lui est soumis, sans considération de la question de savoir si les éventuelles demandes incidentes, reconventionnelles ou nouvelles auraient ou non été soumises préalablement à la conciliation.
 
 
* Enfin, la question de la portée de la solution de la première chambre civile dans le cadre de la procédure disciplinaire se trouve également posée.
 
En effet, l’on sait que désormais en la matière le plaignant, auteur de la réclamation, (cf. "Discipline des avocats : ni plaignant, ni victime, « L’auteur de la réclamation », cet OVNI juridique …"), dispose de la faculté de saisir directement le conseil de discipline de poursuites disciplinaires à l’encontre d’un avocat.
 
Si une réclamation préalable doit être adressée au bâtonnier, ici encore la loi n’a pas prévu de caractère obligatoire de la conciliation préalable, elle a même prévu, expressément, son caractère purement facultatif (L.n°71-1130, 31 déc. 1971, art. 21 ; Décr. n°91-1197, 27 nov. 1991, art. 186-3).
 
Et lorsque le plaignant, auteur de la réclamation, saisi par voie de requête le conseil de discipline, le décret précise simplement que la requête doit, notamment, contenir à peine de nullité : « la réclamation préalable adressée au bâtonnier » (Décr. n°91-1197, 27 nov. 1991, art. 188).
 
Et si la circulaire d’application est venue prévoir, de manière curieuse …, que la requête aux fins de saisine du conseil de discipline ne pouvait pas intervenir avant l’expiration du délai de trois mois dont le bâtonnier dispose pour organiser, s’il le souhaite …, une conciliation, rien dans les textes n’impose un tel délai de latence.
 
Les arrêts commentés nous conduisent même à penser qu’une requête aux fins de saisine du conseil de discipline peut parfaitement être délivrée par le plaignant, auteur de la réclamation, concomitamment à une saisine du bâtonnier.
 
A suivre …

03/02/2023

Petit pense-bête du bon usage du titre d’avocat ou de la qualification de spécialiste (notamment dans les médias)

Les récentes pérégrinations d’un conseiller d’Etat, qui fut avocat il y a fort longtemps, en recherche d’une audience politique et les quelques curiosités de titrages que l’on a pu être amené à constater à son sujet sur de nombreuses chaines de télévision, comme de récents qualificatifs utilisés par certains signataires de tribunes dans la presse écrite, nous conduisent à penser que la question de l’usage du titre d’avocat est loin d’être pleinement maitrisée alors même que les choses sont, en la matière, d’une simplicité biblique.
 
 
1. Du bon usage du titre d’ « avocat » ou de celui d’ « avocat honoraire ».
 
SEULS les avocats régulièrement inscrits auprès d’un barreau et autorisés à exercer peuvent utiliser le titre d’« avocat ».
 
Cela exclut :
 
- Les avocats suspendus temporairement ou interdits temporairement, pour lesquels les textes prévoient expressément que, bien que toujours inscrits auprès d’un barreau, ils ne peuvent en aucune circonstance faire état de leur qualité d'avocat (Décr. n°91-1197, 27 nov. 1991, art. 186) ;
 
- Les anciens avocats qui ne sont plus inscrits auprès d’un barreau, que ce soit à la suite d’une démission, d’une omission ou d’une radiation ;
 
- Les futurs avocats qui ne sont pas encore inscrits ou réinscrits auprès d’un barreau.
 
 
SEULS les anciens avocats ayant régulièrement été admis à l’honorariat auprès d’un barreau peuvent utiliser le titre d’« avocat honoraire », et en aucun cas d’autres termes incluant « avocat ».
 
Dès lors :
 
- L’usage du terme « ancien avocat » constitue, dans tous les cas, une usurpation de titre d’avocat (Paris, 11ème ch., sect. A. 27 janv. 1998, RG n°97/03082).
 
 
Les avocats étrangers doivent utiliser leur titre d’origine, sous sa dénomination d’origine.
 
Ainsi, les avocats européens exerçant en France sous leur titre d’origine ne sauraient en aucun cas, dans toute communication sur le territoire national, utiliser le terme d’avocat : ils doivent impérativement utiliser leur titre d’origine, dont la liste figure à l’article 201 du décret du 27 novembre 1991, et ce, dans sa langue de l’état d’origine (Décr. n°91-1197, 27 nov. 1991, art. 202) (a contrario : Lyon 12 déc. 2019, RG n°19/02241 ; Paris, pôle 4, ch. 13, 11 févr. 2021, RG n°19/08545).
 
Il en est de même, par analogie, d’un avocat appartenant à tout autre barreau étranger, ce point étant expressément précisé pour ceux autorisés à exercer, en France, l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé pour autrui (L. n°71-1130, 31 déc. 1971, art. 105).
 
 
2. Du bon usage des qualités de « spécialiste » ou « avocat spécialisé ».
 
SEULS les avocats titulaires d’un certificat de spécialisation régulièrement obtenu et non invalidé peuvent faire état de ladite mention de spécialisation, ainsi que, le cas échéant, de la qualification spécifique qui y est attachée.
 
La spécialisation constituant une qualification professionnelle, un avocat ne saurait dès lors être qualifié de « spécialiste en … » ou « avocat spécialisé en … » et ce, y compris travers d’une terminologie susceptible de créer dans l’esprit du public, l’apparence d’une spécialisation telle que : « expert en … tout » ou toute autre expression pouvant prêter à confusion et ce, même en ayant recours à des mentions qui ne sont pas des mentions de spécialisation.
 
 
3. In fine, on rappellera que :

- L’avocat est toujours personnellement responsable, notamment sur le plan disciplinaire, de l’usage de son nom,  titres et qualifications fait par des tiers et il lui appartient d’avertir ces mêmes tiers des éventuelles restrictions liées à l’application de ses règles professionnelles et principes essentiels (v. D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°312.113 et s.) ;
 
- L’usurpation de titre (v. D. Piau, S. Bortoluzzi et T. Wickers, Règles de la profession d’avocats, 17e éd., 2022, Dalloz Action, n°612.60 et s.) est définie à l’article 74 de la loi du 31 décembre 1971, qui prévoit que : « Quiconque aura fait usage, sans remplir les conditions exigées pour le porter, d'un titre tendant à créer, dans l'esprit du public, une confusion avec le titre [d’avocat] sera puni des peines encourues pour le délit d'usurpation de titre prévu par l'article 433-17 du code pénal », soit un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (v. par ex. Crim. 6 déc. 2016, n°16-80.825, NP).
 
 
4. Et en cas de doute ?
 
Il suffit de consulter l’annuaire des avocats de France tenu par le Conseil national des barreaux :